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« Il y a quelques jours, l’amie @Harsinoee se rend à la préfecture des Pyrénées-Orientales, à Perpignan, pour plaider sa cause devant la commission DALO (droit au logement opposable). Il y a le feu au lac, et pas qu’un peu.
Cette procédure représente en effet son dernier espoir de retrouver un toit et de reprendre pied après l’invraisemblable série de tuiles qui se sont abattues sur elle ces dernières années : la CAF qui se plante dans ses calculs et lui coupe les allocs, la privation quasi totale de ses moyens de subsistance, les dettes, les insomnies, l’arrêté d’expulsion, la peur au ventre de se retrouver à la rue avec son fils et ses chats – toutes choses dont on vous a déjà parlé, ici ou sur le fil de @Harsinoee .Vous en trouverez également un résumé sur la page de son comité de soutien (où Harsinoee mettra bientôt en ligne son courrier au @Defenseurdroits). https://soutienharsinoee.home.blog/
Au passage : celles et ceux qui ont alimenté sa cagnotte de lutte (6 400 euros, merci !), sachez que cet argent ne servira pas seulement à payer le champagne le jour de la victoire, quand elle aura enfin gagné son combat contre la CAF, l’OPHLM et la préf. Pour l’instant, le fric sert exclusivement à payer les frais d’avocat pour mener la lutte sur le plan judiciaire. Notre courageuse amie s’entête à ne vouloir prendre aucun sou pour elle et continue de se nourrir à la banque alimentaire. Fin de la parenthèse.
Voici donc Harsinoee qui se pointe à la préfecture, confiante dans l’examen de sa demande de relogement. Et là, stupeur : son référent préfectoral – que nous appellerons Igor, comme l’assistant patibulaire du baron Frankenstein – lui annonce que ça ne va pas être possible.
Pourquoi ? Parce que, lui dit Igor, des images de vidéosurveillance enregistrées à Perpignan la montrent en présence d’un homme. Un homme, doux Jésus ! C’est bien la preuve que Madame vit en couple, qu’elle n’est donc pas célibataire et que par conséquent elle a menti sur son statut de mère isolée. Moyennant quoi la commission est au regret de ne pouvoir examiner son dossier. Abasourdie, Harsinoee demande à visionner ces images, mais Igor ne veut rien savoir, circulez, fin de la discussion.
L’histoire est délirante à tous les niveaux.
1/ Harsinoee n’a pas de compagnon. Depuis le viol qu’elle a subi en mai 2018, elle n’est pas spécialement en recherche de compagnie masculine.
2/ Quand bien même elle aurait un chéri, un pote ou un cousin, en quoi ce serait les oignons du @pref66 ?
3/ Quand bien même la préfecture s’arrogerait le droit de veiller aux bonnes mœurs des femmes célibataires, en quoi cela justifierait l’usage de la vidéosurveillance, encadré en principe par un truc ballot qui s’appelle la loi, n’est-ce pas la @CNIL ?
Plein d'autres questions se posent. Ces images existent-elles seulement ? Si oui, qui les a enregistrées, identifiées et fournies à la préfecture, et dans quel but ? Et si elles n’existent que dans l’imagination créative d’Igor, pourquoi avoir inventé une histoire aussi wtf ?
L’ennui, c’est que l’argument invoqué pour virer Harsinoee du DALO n’a laissé aucune trace écrite. Passé un certain délai, elle pourra certes contester le rejet de son dossier devant le tribunal administratif, mais d’ici là la préf aura peut-être élaboré un plan plus présentable.
Son avocate n’étant hélas ni très réactive, ni très disponible, Harsinoee a essayé de recontacter Igor à plusieurs reprises. Son comité de soutien s’y est collé aussi, mais l’agent préfectoral a mis prudemment sa ligne sur répondeur. Nous sommes donc passés par le standard de la préf, qui nous a renvoyé à la responsable de la communication, laquelle a mis vingt-quatre heures pour nous servir par SMS une réponse en deux temps.
Premier temps : « Le dossier de cette personne a bien été examiné en commission. Au cours de cette réunion il n’a jamais été question de sa situation personnelle et encore moins de vidéosurveillance. » Ah, parfait. Donc Igor a tout inventé. Ou alors c’est Harsinoee qui a rêvé ?
Trois heures plus tard, nouveau texto, nouvelle version. « Après renseignements pris auprès des services concernés, le dossier de cette personne n’a pas été rejeté, mais ajourné, compte tenu de l’attente d’une décision connexe la concernant. » Connexe ? Quoi, où, comment ?
Par ailleurs, si l’on considère l’urgence de la situation, et le fait que les travaux de la commission ne durent que quelques jours, un « ajournement » sine die ressemble bigrement à un renvoi à la saint-glinglin, donc à un rejet. Mais la dir’com’ n’en dira pas plus.
Aujourd’hui, on est à deux jours de la trêve hivernale, et bien qu’une expulsion de dernière minute paraisse peu vraisemblable, Harsinoee est en panique. Le sale coup qu’on lui a fait à la préfecture l’incline à penser que celle-ci est capable de tout. Après toutes ces années où la CAF, l’OPHLM et la préf’ se sont acharnées sur elle et sa famille, la voici condamnée encore à passer les heures qui viennent dans l’angoisse de voir débouler l’huissier et le shériff. Elle a beau être d'un courage exceptionnel, c'est lourd.
Quant à la vidéosurveillance comme instrument de refus d’accès aux droits... qui sait si on aura un jour le fin mot de l’histoire. S’agit-il d’une simple bavure d’agent zélé, ou d’une expérimentation préparant une énième extension de leur politique de flicage tous azimuts ? Dans une start-up nation séduite par la reconnaissance faciale et le garrottage des «gens qui ne sont rien», on ne sait jamais. »